Les Martyrs Jésuites, Seconds Patrons du Canada

Nous avons la joie de publier ici le texte d’un tract de 1941 donnant une présentationimg_0218 succincte des saints Martyrs canadiens, qui ont été donnés par Pie XII comme patrons secondaires du Canada, après saint Joseph, et auxquels est dédiée notre mission.

LES MARTYRS JÉSUITES
seconds patrons du Canada

par le

R . P . ARCHAMBAULT, S. J.

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TOUT enfant reçoit au baptême un nom de saint. Celui-ci devient son patron. Du haut du ciel il veille sur son nouveau protégé, lui suggère des actes louables, intercède pour lui auprès de Dieu.

Cette protection se fait plus attentive, plus efficace si le protégé se montre confiant et reconnaissant envers son protecteur, s’il lui rend de pieux hommages.

StsCanadiens
De gauche à droite: Jean de la Lande, Charles Garnier, Noël Chabanel, Gabriel Lalemant, Jean de Brébeuf, Isaac Jogues, Antoine Daniel, René Goupil.

Il en est quelque peu ainsi des nations chrétiennes. L’Église leur accorde un patron. Il veille sur elles, il les protège contre leurs ennemis intérieurs et extérieurs, il les secourt au milieu de leurs difficultés.

 

Souvent ce patron est un saint issu de la nation même qu’il est appelé à protéger ou qui s’est dévoué à son service. Tels sainte Jeanne d’Arc en France, saint Patrice en Irlande, saint Boniface en Allemagne, saint Georges en Angleterre. On comprend que les fidèles aient une dévotion plus marquée pour ces saints étroitement attachés à leur patrie, et qu’ils en reçoivent des faveurs particulières.

Le Canada avait déjà comme premier patron saint Joseph. Il fut choisi en 1626. L’Église, par la voix du pape Urbain VIII, ratifia ce geste.

Mais pour répondre à un vœu exprimé par la hiérarchie et une multitude de catholiques canadiens, le Saint-Siège vient de nous accorder des seconds patrons. Ce sont les missionnaires jésuites qui versèrent leur sang sur le sol de notre pays et que Pie XI canonisait en 1930. Ceux que nous appelons nos “saints Martyrs canadiens”: Brébeuf, Lalemant, Jogues, Chabanel, Garnier, Daniel, Goupil, de la Lande.

Ces saints sont déjà l’objet parmi nous d’un culte pieux. Le patronage qui vient de leur être confié devrait les rendre plus populaires encore.

En premier lieu il faut les connaître. Plusieurs volumes leur ont été consacrés. On les lira avec profit. Donnons ici pour ceux qui ne pourraient se procurer une vie étendue, un bref résumé de leur carrière.

I.— LEUR CARRIÈRE

SAINT JEAN DE BRÉBEUF

Il sied de commencer par le plus illustre, Jean de Brébeuf. On l’a appelé le géant de la mission huronne. Dans le groupe des saints Martyrs, il prend figure de chef. La plupart des artistes l’ont placé au centre, dominant de la tête ses compagnons. Sa taille est robuste, sa figure énergique, son geste ferme. L’attitude peint bien l’homme.

Né le 25 mars 1593, il entre chez les Jésuites, à Rouen, le 8 novembre 1617. Dès ses premiers pas dans la vie religieuse, sa vertu s’affirme.

St Jean de Brébeuf
St Jean de Brébeuf

Très attaché à ses règles, il disait un jour: “On me brisera plutôt que de m’en faire violer une seule.” L’épreuve trempe son âme. Ébranlées par une ardeur excessive au travail, ses forces cèdent. Toute occupation lui est interdite. Mais son vigoureux tempérament finit par l’emporter. Il peut achever ses études. Et en décembre 1622 il est ordonné prêtre.

 

Trois ans plus tard, le futur martyr mettait le pied sur le sol canadien. Un premier hiver avec les Algonquins, une mission chez les Hurons, le rapatriement en France, en 1629, après la reddition de Québec, le retour en 1933, suivi presque aussitôt du départ pour la presqu’île huronne, des travaux et des souffrances inexprimables durant les huit années passées dans ce pays, quelques semaines de repos à Québec, la rentrée en Huronie, une apparition de Notre-Seigneur et le vœu généreux “de ne jamais manquer à la grâce du martyre”, puis, après de nouveaux et fructueux labeurs, l’holocauste suprême…

Le 16 mars 1649, au terme d’un des supplices les plus cruels dont fassent mention les annales de l’Eglise, saint Jean de Brébeuf rendait triomphalement à Dieu son âme indomptable.

SAINT GABRIEL LALEMANT

Beaucoup moins robuste, faible même, Gabriel Lalemant était né à Paris le 10 octobre 1610. Le 24 mars 1630, il est admis au noviciat. En 1639 il reçoit l’ordination sacerdotale.

Le Canada l’attire. Il brûle d’y aller. Pourquoi? Une note trouvée après sa mort nous le révèle. De sept raisons aussi édifiantes les unes que les autres retenons celle-ci: « Il faut que votre nom soit adoré, que votre royaume soit étendu par toutes les nations du monde, et que je consomme ma vie pour retirer des mains de Satan, votre ennemi, ces pauvres âmes qui ont coûté et votre sang et votre vie. »

St Gabriel Lalemant
St Gabriel Lalemant

Mais, « âme de feu dans un corps fragile » il doit attendre plusieurs années avant que son état de santé permette à ses supérieurs d’exaucer ses désirs.

 

Le 15 juin 1646 il s’embarque enfin pour Québec. A peine arrivé, il aurait voulu courir au pays des Hurons. On le retient. Il fait du ministère à Sillery, aux Trois-Rivières, à Beauport, puis le 6 août 1648, il a l’immense joie de partir pour les missions tant désirées.

Sept mois plus tard son rêve héroïque se réalisait. En même temps que le P. de Brébeuf et au milieu de tortures qui durèrent dix-sept heures et que la faiblesse de sa constitution rendait plus cruelles encore, il cueillit la palme glorieuse du martyre.

SAINT ANTOINE DANIEL

Originaire lui aussi de la Normandie, Antoine Daniel vit le jour à Dieppe, le 27 mai 1601. Son cours classique terminé, il commence l’étude du droit, mais l’appel divin le conduit, le 1er octobre 1620, au noviciat de Rouen.

St Antoine Daniel
St Antoine Daniel

Prêtre en 1630, il enseigne les Belles-Lettres au collège d’Eu qu’il quitte, en 1632, pour le Canada. Tadoussac le garde un an, puis Québec où il dessert la chapelle paroissiale de Notre-Dame-de-la-Recouvrance. Simple étape, car dès l’automne de 1634, on le trouve au pays des Hurons. Ère d’épreuves. Les difficultés d’acclimatation semblent insurmontables. Mais le vaillant missionnaire tient bon. Il triomphe. Et durant quatorze années — sauf une période de vingt-deux mois passée à Québec — il se dévoue sans compter, et avec les plus grands fruits, au service des sauvages.

 

Le 14 juillet 1648, les Iroquois assaillent la bourgade Saint-Joseph. Elle est vide de guerriers. Rien que des femmes et des enfants. Le P. Daniel était rentré la veille du fort Sainte-Marie où il venait de faire sa retraite annuelle. Dieu le ramenait pour l’heure sanglante. Il exhorte ses ouailles, les absout, les bénit… et tombe percé de flèches. Quelques instants après, on jetait dans un brasier son corps pantelant.

SAINT CHARLES GARNIER

Figure combien séduisante — de la famille des Louis de Gonzague et des Jean Berchmans — que celle de Charles Garnier. Son enfance — il naquit à Paris le 25 mai 1606 — s’écoule dans une angélique piété. La dévotion à Marie en est l’âme. Sa rhétorique achevée, il revêt, le 5 septembre 1624, l’habit du jésuite.

St Charles Garnier
St Charles Garnier

Études littéraires et philosophiques, régence au collège d’Eu, théologie à Clermont, sacerdoce. Nous sommes en 1635. Sans tarder, le jeune religieux veut partir pour la Nouvelle-France. Rude sacrifice pour son vénérable père, âgé et malade. Mais il l’accepte généreusement. Et le 8 avril 1636, Charles Garnier s’embarque à Dieppe.

 

Plus heureux que ses prédécesseurs, il s’achemine aussitôt vers les missions. Le 14 août il est au fort Sainte-Marie. Quinze jours plus tard il administre son premier baptême.

Ainsi s’ouvrait une carrière apostolique où devaient s’épanouir, sous le signe d’une exquise charité, les plus belles vertus. Elle se poursuivit durant seize ans sans le moindre arrêt. La mort seule vint l’interrompre. C’est dans la mission de Saint-Jean, fondée par son zèle, au pays des Pétuneux, que le P. Garnier fut tué par les Iroquois, la main levée pour baptiser, le 7 décembre 1649.

SAINT NOËL CHABANEL

St Noel Chabanel
St Noël Chabanel

Le benjamin des huit: Noël Chabanel. Existence brève mais non moins pleine. Né à Sangues, au diocèse de Mende, le 27 février 1613, il entra dans la Compagnie de Jésus le 19 février 1630. Ordonné prêtre en 1641, il enseigne la rhétorique durant une année à Rodez, fait son troisième an à Toulouse, puis part pour le Canada, le 8 mai 1643.

 

Il y vécut six ans, période ininterrompue de rudes souffrances où les affres morales torturèrent son âme plus encore que les douleurs physiques. Mais il ne cédera pas. Un vœu spécial le lie à son poste, si crucifiant soit-il. Dieu ne tarde pas à récompenser cette héroïque fidélité. Le martyre qui lui est destiné va délivrer son fidèle serviteur. Le 8 décembre 1649, un Huron apostat abat d’un coup de hache le dévoué missionnaire.

SAINT ISAAC JOGUES

Ces cinq athlètes du Christ tombèrent tous sur la terre canadienne. Les trois autres devaient donner leur vie en territoire américain.

Au premier rang de ce deuxième groupe, l’intrépide Isaac Jogues. Qui ne connaît les paroles du pape Urbain VIII, lui accordant la permission de célébrer la sainte messe malgré ses mains mutilées: « Il serait indigne qu’un martyr du Christ ne pût pas boire le sang de Jésus-Christ. »

Martyr, il le fut en effet à deux reprises. Ou plus exactement il l’a été toute sa vie, depuis le jour où il mit le pied sur le sol de la Nouvelle-France jusqu’à sa mort.

Natif d’Orléans, — 10 janvier 1607, — d’une famille de six enfants, le jeune Isaac fit ses études chez les Jésuites de cette ville et, au sortir de sa rhétorique, entra à leur noviciat, le 24 octobre 1624.

Philosophie à La Flèche, régence au collège de Rouen, théologie à celui de Clermont. Durant ces dernières études, il obtient d’aller au Canada. Ordonné prêtre en 1636, le P. Jogues s’embarque tout joyeux le 18 avril de cette même année.

St Isaac Jogues
St Isaac Jogues

Il aborde à Québec le 2 juillet, puis en repart presque aussitôt pour le pays des Hurons. La maladie et la haine l’y attendaient. Mais rien n’entame son courage. Il se livre tout entier à un intense labeur apostolique.

 

Et c’est la captivité chez les Iroquois. Plus d’un an d’esclavage dans de durs travaux, accompagnés de menaces de mort, de rudes traitements, de souffrances morales plus torturantes encore. Dieu n’abandonne pas les siens. Le pauvre captif réussit à s’évader et passe en France durant l’année 1644.

Son séjour y devait être bref. Au bout de trois mois, plus heureux encore qu’à son premier départ, le P. Jogues revient au Canada. Il allait à la mort. Il le savait.

Envoyé d’abord à Ville-Marie, puis délégué en mai 1646 à titre d’ambassadeur chez les Iroquois, il consent à y retourner comme missionnaire le 17 septembre suivant. Quelques semaines plus tard, le 18 octobre, un coup de hache lui tranchait la tête. « Son dernier voeu était accompli: le divin Maître l’avait inséparablement uni à lui. »

SAINT RENÉ GOUPIL

St René Goupil
St René Goupil

De la même manière tombèrent ses deux fidèles compagnons, René Goupil et Jean de la Lande, laïques l’un et l’autre, qui s’étaient donnés pour la vie au service des missionnaires et dont le premier eut la joie, avant sa mort, de prononcer ses vœux de religion et de devenir par là frère coadjuteur de la Compagnie de Jésus. Leur carrière fut simple. On ignore presque tout de ce qui précéda leur venue au Canada.

 

René Goupil naquit dans l’Anjou, à une date inconnue. Il voulut être jésuite. Sa santé faillit au noviciat. Rentré dans le monde, il quitte soudain sa famille pour suivre les missionnaires en Nouvelle-France. Lié au P. Jogues, il l’accompagne en juillet 1646 chez les Hurons, est fait prisonnier avec lui par les Iroquois et durant sa captivité, le 29 septembre de cette année, reçoit le coup de hache mortel parce qu’il avait tracé un signe de croix sur le front d’un enfant.

St Jean de la Lande
St Jean de la Lande

SAINT JEAN DE LA LANDE

De Jean de la Lande on en sait encore moins. Il venait de Dieppe. Rien d’autre de connu avant son arrivée au Canada. Il suit le P. Jogues dans son dernier voyage en 1646. Arrêté en même temps que lui, son supplice se prolonge. Il est torturé toute une nuit, puis achevé le lendemain, 19 octobre, d’un coup de tomahawk.

II. — LEUR CULTE

Dans un magnifique article publié à l’occasion de leur canonisation, S. Exc. Mgr Ross, évêque de Gaspé, a indiqué les raisons fondamentales de notre culte envers les saints Martyrs canadiens.

Et d’abord la reconnaissance. « A la base du christianisme, écrit Son Excellence, nous trouvons le dogme de l’expiation, de la rédemption par la douleur et le sang. L’Évangile, si concis sur la vie du Sauveur, est prolixe sur sa passion et les détails de sa mort, parce que, dit l’Apôtre, il nous a rachetés par son sang. Mais le Christ, qui a versé son sang, demande la collaboration des baptisés qui constituent avec lui son Corps mystique. Les nations, comme les individus, doivent apporter leur part de souffrance et de sang à l’œuvre rédemptrice pour s’en voir appliquer les bienfaits. Avec cette énergie qui le caractérise, saint Paul l’apprenait à ses fidèles Colossiens: « Je me réjouis de ce que je souffre pour vous, et ce qui manque aux souffrances du Christ, je le complète dans ma chair pour son Corps qui est l’Église. » (Col., I, 24.) Quand l’apôtre a épuisé tous les moyens ordinaires de sanctification, il lui reste à mêler le sang de ses veines au sang divin de son calice. Où la religion du divin Crucifié est en cause, les prodiges de valeur ne suffisent pas, il faut des prodiges de douleur. C’est là le secret de toutes les fécondités de l’Église.

img_0219« Cette contribution, cet impôt du sang, nos Martyrs en ont payé la plus large part pour assurer la fécondité de l’Église canadienne naissante. Les barbares qui croyaient n’être que des bourreaux furent des sacrificateurs. Et ici, comme dans l’empire romain, le sang des martyrs fut une semence de chrétiens. »

Que serait devenu notre pays sans ses martyrs? Comment une poignée de colons et de soldats auraient-ils pu accomplir la tâche gigantesque qu’ils avaient entreprise? Tous les éléments humains semblaient conjurés contre eux. C’est vraiment un miracle qu’ils aient réussi. Mais ce miracle à qui le devons-nous? Pourquoi Dieu nous l’a-t-il accordé, alors qu’il le refusait à d’autres? Quelles forces puissantes attirèrent sur la Nouvelle-France les bénédictions divines?

Pour qui connaît notre histoire et l’action ordinaire de la Providence, poser ces questions c’est y répondre. Sans les sacrifices de nos missionnaires et le sang de nos Martyrs, l’œuvre des hommes, laissée à elle-même, si héroïque fût-elle, aurait échoué. Aidée par la grâce de Dieu qui entendit l’appel de ses fidèles serviteurs, elle triompha. Notre pays leur doit d’avoir surmonté la barbarie, d’être devenu une nation chrétienne.

Il leur devra, si nous le voulons, de le demeurer. Car, aujourd’hui comme jadis, les éléments humains semblent s’acharner à notre perte. La barbarie essaie de reprendre l’empire qu’elle a perdu. Le monde retourne au paganisme, a déclaré Pie XI . N e croyons pas ce verdict prononcé pour d’autres que nous. Sans doute il est des pays déjà marqués du signe de la Bête. Dieu n’y règne plus. On rase ses temples, on persécute ses adeptes, on tâche d’effacer toute trace de son nom. Mais la violence de cette déchristianisation pourrait bien être la cause de son échec. Des réactions se font sentir à travers toute la Russie.

Combien plus dangereuse est la mort par intoxication, par un empoisonnement graduel, lent mais sûr. Or le matérialisme nous pénètre actuellement de toutes parts. Nous l’absorbons par les journaux, par les revues, par le théâtre, par le cinéma, par la radio, par les modes, par les affaires, par les conversations avec les protestants, par les relations plus étroites avec nos voisins d’outre-frontière. Comment éliminerons-nous ce poison?

img_0220La situation de nos Martyrs était plus critique encore. Ils baignaient dans un paganisme profond. Non seulement ils résistèrent à ses atteintes, mais ils lui livrèrent une lutte victorieuse, ils parvinrent à lui arracher bon nombre de ses victimes, ils extirpèrent même en plusieurs endroits ses racines vénéneuses.

Tournons-nous vers eux. Par reconnaissance d’abord, comme nous l’avons vu, mais aussi par intérêt bien compris. Mieux que personne, ils nous protégeront, ils nous armeront de force morale, ils nous inspireront les actes qui nous sauveront.

Que notre culte envers eux soit donc un culte national. Comme on honore en France sainte Jeanne d’Arc, en Irlande saint Patrice, chez nous saint Jean-Baptiste. Déjà notre peuple est entré dans cette voie. Les églises dédiées aux saints Martyrs canadiens, ou à l’un ou l’autre d’entre eux, se multiplient, leurs statues ornent la plupart de nos temples, leurs images décorent bon nombre de nos foyers.

Il faut accentuer ce courant. Qu’il entraîne toutes nos paroisses, n’en laissant aucune à l’écart! Depuis les plus populeuses jusqu’aux plus humbles, chacune devrait participer à ce culte, contribuer à le développer, à l’intensifier chez tous les fidèles. Aux pasteurs de s’ingénier, d’adopter telle industrie qui réussit ailleurs ou de trouver par eux-mêmes ce qui conviendrait le mieux à leurs ouailles (Cf. La Fête des saints Martyrs canadiens. Pourquoi et comment la célébrer? par le R. P. ARCHAMBAULT, S.J., 152 pp.).

Le même rôle s’impose aux éducateurs. Nos écoles, nos couvents, nos collèges devraient être des foyers de dévotion aux saints Martyrs. C’est à la jeunesse moins blasée, plus généreuse, qu’il faut surtout enseigner leur culte.

Et des maisons d’éducation, il passera dans les foyers. « L’histoire de ces Martyrs, écrit encore Mgr Ross, est l’une de ces histoires qu’enfants nous aimions à nous faire raconter; et nous avons vu des parents qui rappelaient à leurs enfants le souvenir de leur patience dans les tortures, chaque fois qu’une occasion se présentait de faire quelque sacrifice.

« Cette pratique devrait être généralisée dans toutes les familles et toutes les écoles. Il est à souhaiter que la prière aux Martyrs canadiens, protecteurs nés de leurs compatriotes, s’ajoute dans chaque foyer aux formules de la prière du soir faite en famille, devant leur image qui aura pris place aux murs, à côté de celles qui ornent les foyers chrétiens du pays, et que leur fête devienne dans toutes les paroisses l’occasion d’une démonstration religieuse qui inspire le patriotisme en même temps que la piété et la pratique des fortes vertus chrétiennes. »

Ce dernier souhait de l’évêque de Gaspé, formulé il y a dix ans, est en train de se réaliser. On pourrait l’élargir encore et désirer, maintenant que nos Martyrs sont devenus les seconds patrons du Canada, que leur fête prenne un caractère national, qu’elle soit célébrée par des manifestations collectives et officielles où s’exprime l’âme même de notre peuple.

Ces hommages, cependant, si essentiels soient-ils, ne suffisent pas. Il faut y joindre l’imitation. Les saints veulent être honorés surtout de cette manière. Aucun témoignage d’estime ne saurait leur être plus agréable.

Mais imiter des martyrs, est-ce chose pratique, voire possible? Leur supplice, sans doute, n’est pas à notre portée, mais il n’y a pas que cet acte dans leur vie. Il ne vient qu’en dernier lieu, pour couronner les autres et même, peut-on dire, comme leur résultante. Il a été préparé, mérité par une existence de labeurs, de sacrifices, de conformité et d’union à Dieu.

Or ici la voie est large ouverte à l’imitation. Tout chrétien, quelle que soit sa condition physique ou sociale, peut glaner dans l’histoire de nos saints Martyrs des exemples qui sont à sa portée, des actions qu’il lui est possible d’imiter le long de sa vie de chaque jour.

Et les temps se prêtent à cette imitation. Les mortifications que durent subir ces missionnaires français, séparés soudain de leurs proches, jetés en un monde inconnu, privés des commodités ordinaires de la vie, la guerre nous les impose, au moins en partie, à tous. Acceptons de bon cœur ces dures restrictions. Soumettons-nous même volontairement aux mortifications que nous recommandent le Pape et nos évêques. Quant aux vertus de conformité à la volonté divine, d’union à Dieu, elles sont plus que jamais d’actualité si nous voulons garder, en ces jours troublés, la paix intérieure.

img_0221Reste la prière. Elle s’insère dans le culte dû à nos saints Patrons. Cette pratique les honore en même temps qu’elle sert nos intérêts.

Un saint n’oublie pas, dans la gloire dont il jouit, le pays auquel il s’est dévoué, surtout quand il en est devenu le patron officiel. Sa vie morale lui tient plus que jamais au cœur. Il s’intéresse à son progrès spirituel. Il met à son service l’influence dont il dispose auprès de Dieu.

Mais l’économie établie par la divine Providence subsiste toujours. Ses règles ne peuvent être enfreintes. Or il en est une qui veut que nous demandions au ciel les grâces dont nous avons besoin. Que nous nous adressions directement au bon Dieu, ou que nous fassions passer nos supplications par la Vierge Marie ou les saints, peu importe. L’essentiel, c’est la demande, c’est la prière.

Nos saints Patrons sont là, penchés du haut du ciel, sur ce pays qu’ils ont évangélisé en tout sens, qu’ils ont arrosé de leurs sueurs et de leur sang, qu’ils ont aimé comme leur patrie terrestre jusqu’à donner leur vie pour qu’elle devienne une terre chrétienne.

Ils attendent nos prières. Ils s’en feront les messagers auprès de Dieu. Ils nous les retourneront en pluie de grâces et de bénédictions. Quelle faveur en ces temps de calamité!

Que de tous nos foyers, que de toutes nos écoles, que de toutes nos églises, s’élèvent donc incessamment vers ces protecteurs attitrés du Canada de pieuses et ardentes supplications. Nous ne saurions trouver un meilleur moyen de toucher le cœur de Dieu et d’apaiser sa juste colère.

* * *

Rendre hommage à nos saints Martyrs, les imiter, les prier, tout catholique canadien en comprendra l’opportunité et s’en fera un devoir. Ce sera répondre à la pensée du Souverain Pontife qui a bien voulu, à la demande de l’épiscopat et de nombreux fidèles, les proclamer seconds patrons du Canada.

Prière pour obtenir une grâce particulière

Cœur sacré de Jésus, qui avez allumé dans le cœur des saints martyrs Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et leurs Compagnons, une flamme si ardente de votre divine charité, accordez-moi, je vous en supplie, par leur puissante intercession, la grâce que je vous demande……………… afin de manifester de plus en plus la gloire qui les couronne dans le ciel. Ainsi soit-il.

Récitez une fois Notre Père, Je vous salue Marie, Gloire soit au Père, et trois fois l’invocation: Saints Martyrs canadiens, priez pour nous.

Litanies des saints Martyrs canadiens

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, ayez pitié de nous.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, écoutez-nous.

Jésus-Christ, exaucez-nous.

Père céleste, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Fils rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Esprit-Saint, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Trinité sainte, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, priez pour nous.

Saint Jean de Brébeuf, chef valeureux de héros, priez etc.

Saint Gabriel Lalemant, âme d’acier dans un corps fragile,

Saint Antoine Daniel, comme Jésus prêtre et hostie,

Saint Charles Garnier, lys empourpré offert à l’Immaculée,

Saint Noël Chabanel, souffrant dans le silence et succombant dans l’oubli,

Saint Isaac Jogues, deux fois martyr de Jésus-Christ,

Saint René Goupil, chaste et doux martyr du signe de la croix,

Saint Jean de la Lande, héroïque serviteur des soldats du Christ,

Vous tous, glorieux martyrs de Jésus-Christ,

Apôtres au cœur de feu,

Missionnaires infatigables,

Exilés volontaires en solitude païenne,

Pionniers de la foi dans un nouveau monde,

Ennemis du vice et de la superstition,

Modèles de prière et d’action,

Epris de détachement et de pureté,

Vrais fils d’obéissance,

Intrépides dans les dangers,

Imitateurs passionnés de Jésus crucifié,

Torturés par la faim et la soif pour Jésus-Christ,

Flagellés pour Jésus-Christ,

Joyeux de mourir pour Jésus-Christ,

Fils chéris de la Reine des martyrs,

Fidèles clients de saint Joseph,

Dignes enfants de saint Ignace,

Puissants protecteurs du Canada,

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

V/. Les saints tressailleront dans la gloire,

R/.Ils se réjouiront dans leurs demeures.

PRIONS. — O Dieu, qui, par la prédication et par le sang de vos saints martyrs Jean, Isaac et leurs Compagnons, avez consacré les prémices de la foi dans les vastes régions de l’Amérique septentrionale, accordez, dans votre bonté, que, par leur intercession, la florissante moisson des chrétiens grandisse partout de jour en jour. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.

Neuvaine aux saints Martyrs

La neuvaine est une pieuse pratique recommandée par l’Eglise. Elle honore ceux qui en sont l’objet et nous les rend favorables.

La neuvaine aux saints Martyrs peut se faire en n’importe quel temps. L’époque la plus appropriée est celle qui précède leur fête (le 26 septembre), mais rien n’empêche qu’on choisisse toute autre période de l’année suivant sa dévotion ou ses besoins.

Comme il y a huit martyrs, on peut consacrer un jour à chacun, réservant le premier ou le dernier à des considérations générales (Nous recommandons l’excellente Neuvaine aux saints Martyrs canadiens du P. Emile Gervais, S. J., 32 pages).

Pour ceux qui voudraient faire la neuvaine avec cette brochure, voici quelques indications:

1er jour: les saints patrons. Lire la page 1, puis: Notre Père, Je vous salue Marie, Prière aux saints Martyrs. (On récitera ces prières chaque jour après la lecture indiquée.)

2e jour: S. Jean de Brébeuf. Lire la page 2. Notre Père, etc.

3e jour: S. Gabriel Lalemant (p. 3). Notre Père, etc.

4e jour: S. Antoine Daniel (p. 4). Notre Père, etc.

5e jour: S. Charles Garnier (p. 5). Notre Père, etc.

6e jour: S. Noël Chabanel (p. 5). Notre Père, etc.

7e jour: S. Isaac Jogues (p. 6). Notre Père, etc.

8e jour: S. René Goupil (p. 7). Notre Père, etc.

9e jour: S. Jean de la Lande (p. 7). Notre Père, etc.

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Imprimi potest: E. PAPILLON, S. J.
11 février 1941Provinvial

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Nihil obstat: Léon BOUVIER, S. J.

12 février 1941Cens. dioc.

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Imprimatur: J. C. CHAUMONT, P. A.

Montréal, 12 février 1941Vicaire général

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