50 ans du Bref Examen Critique

Le Bref Examen Critique, daté du 5 juin 1969, célèbre aujourd’hui ses 50 ans. Se basant sur la doctrine catholique du Saint Sacrifice de la Messe, il porte des accusations graves contre le nouvel Ordo Missae, qui s’éloigne de cette doctrine dans un but œcuménique.

I- Importance du Saint Sacrifice de la Messe

img_0516Le Saint Sacrifice de la Messe est au cœur de la religion catholique et doit être au cœur de notre vie. Par ce Saint Sacrifice nous sont appliqués les mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par ce Saint Sacrifice s’accomplit donc notre rédemption. C’est à l’autel que sont obtenues les grâces de toutes sortes, répandues dans le monde entier. C’est donc de l’autel que les élus obtiennent les grâces nécessaires à leur salut. Et puisque tout a été fait à cause des élus, et que le monde cessera à la mort du dernier des élus, on comprend le mot de Padre Pio : Il serait plus facile à la terre d’exister sans le soleil que sans le Saint Sacrifice de la Messe.

La doctrine catholique du Saint Sacrifice de la Messe a été clairement énoncée et définie par le Concile de Trente. Le missel de Saint Pie V codifie le rite romain en parfaite conformité avec cette doctrine. Cette définition et cette codification sont une heureuse réponse de l’Église Catholique aux erreurs protestantes en ce domaine. Le Catéchisme Romain, ou Catéchisme du Concile de Trente, résume ainsi des points parmi les plus importants de cette doctrine catholique de la Messe :

Nous reconnaissons donc que le Sacrifice qui s’accomplit à la Messe, et celui qui fut offert sur la Croix ne sont et ne doivent être qu’un seul et même Sacrifice, comme il n’y a qu’une seule et même Victime, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s’est immolé une fois sur la Croix d’une manière sanglante. Car il n’y a pas deux hosties, l’une sanglante, et l’autre non sanglante, il n’y en a qu’une ; il n’y a qu’une seule et même Victime dont l’immolation se renouvelle tous les jours dans l’Eucharistie depuis que le Seigneur a porté ce Commandement : « Faites ceci en mémoire de Moi. »
[…] Les choses étant ainsi, il faut sans aucune hésitation enseigner avec le saint Concile que l’auguste Sacrifice de la Messe n’est pas seulement un Sacrifice de louanges et d’actions de grâces, ni un simple mémorial de celui qui a été offert sur la Croix, mais encore un vrai Sacrifice de propitiation, pour apaiser Dieu et nous le rendre favorable. Si donc nous immolons et si nous offrons cette victime très sainte avec un cœur pur, une Foi vive et une douleur profonde de nos péchés, nous obtiendrons infailliblement miséricorde de la part du Seigneur, et le secours de sa Grâce dans tous nos besoins. Le parfum qui s’exhale de ce Sacrifice lui est si agréable qu’Il nous accorde les dons de la grâce et du repentir, et qu’Il pardonne nos péchés. Aussi l’Église dit-elle dans une de ses Prières solennelles : « Chaque fois que nous renouvelons la célébration de ce sacrifice, nous opérons l’œuvre de notre salut. » Car tous les mérites si abondants de la Victime sanglante se répandent sur nous par ce Sacrifice non sanglant.

II- Tentative de suppression de la Messe Tridentine

En 1969 fut tentée l’obrogation (suppression par remplacement) du rite romain selon lequel était offert ce Saint Sacrifice de la Messe, rite codifié par Saint Pie V, mais dont l’essentiel, la « règle » (le canon), intouché depuis des siècles, remonte à une tradition immémoriale dont on ne peut même pas dater l’origine dans l’histoire de l’Église. Ce rite, fruit du Saint Esprit, en parfaite conformité avec la doctrine catholique, et codifié très précisément par saint Pie V dans le but de préserver intacte la pureté de la foi, ce rite, voici qu’on voulut s’en débarrasser, et le remplacer par une fabrication moderne créée de toute pièce. Le premier rite avait été codifié précisément contre les erreurs protestantes ; voici qu’on essaya de le remplacer par un nouveau rite au but expressément œcuménique, avec le conseil de pasteurs protestants. La définition même de la Messe donnée par l’Institutio generalis du nouveau missel, dans sa première version, était clairement hérétique :

« La Cène dominicale ou Messe est la synaxe sacrée ou le rassemblement du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi vaut éminemment pour l’assemblée locale de la Sainte Église la promesse du Christ : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20 ».

Il n’est plus question de Présence Réelle, ni de Transsubstantiation, et encore mois de Sacrifice réel. La sacramentalité du prêtre est passée sous silence, ainsi que la valeur intrinsèque du Sacrifice eucharistique, indépendante de la présence de l’assemblée. Cette définition de la Messe, donnée par le nouveau missel, est donc contraire à l’enseignement définitif du Concile de Trente, et est plutôt en parfaite conformité avec la théologie protestante.

III- Le Bref Examen Critique

Cristina Campo

En réponse à ce nouveau rite, un groupe de théologiens romains (dont le plus actif et le plus important fut le R.P. Guérard des Lauriers O.P.), sous l’impulsion d’une dame italienne influente : Victoria Guerrini, connue sous le nom de plume Cristina Campo, prépara une analyse théologique succincte de ce nouveau rite : le Bref Examen Critique, daté du 5 juin 1969 (Fête du Saint-Sacrement), que le Cardinal Ottaviani s’était engagé à présenter à Paul VI et qu’il accompagna d’une lettre, datée du 25 septembre 1969, par les Cardinaux Ottaviani et Bacci. Le but de cette démarche était d’obtenir la suppression du nouveau missel avant sa mise en vigueur, prévue le premier dimanche de l’avent, le 30 novembre 1969. En ceci, la démarche fut sans succès, et les modernistes se contentèrent de remettre un peu de vernis traditionnel au nouveau missel. Mais le Bref Examen Critique reste une référence théologique pour résumer les problèmes du nouveau missel ; un point historique important montrant l’opposition immédiate des catholiques fidèles à la doctrine du Concile de Trente, et le début d’un long combat de fidélité à la Messe tridentine ; un rejet du nouveau rite formulé avant même sa mise en vigueur, et qui, resté sans réponse, reste une accusation permanente, qui ne doit prendre fin qu’avec la fin du nouveau rite lui-même.

Le Cardinal Ottaviani

Cette accusation se résume en cette phrase restée célèbre, tirée de la lettre des Cardinaux :

« le nouvel ORDO MISSAE […] s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXème session du Concile de Trente ».

Le Bref Examen est divisé en huit courts chapitres dont la lecture est vivement recommandée. Dans un but didactique, les accusations qui nous semblaient les plus importants ont été ici résumées :

I) Le nouvel Ordo Missae entérine la « messe normative » déjà si critiquée pour son rapprochement des erreurs protestantes et son éloignement de la doctrine catholique. Ce changement se veut justifié par un intérêt croissant des fidèles pour la liturgie ; mais en leur enlevant la Messe Tridentine, on leur supprime justement la source de tant de richesses.

“Le nouvel ORDO MISSAE comme la “messe normative”, est fait pour contenter sur bien des points les plus modernistes des protestants.”

II) La définition de la Messe donnée par le nouveau missel

“n’implique ni la Présence réelle, ni la réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du Sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de l’assemblée. En un mot, cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la Messe et qui en constituent la véritable définition. L’omission, en un tel endroit, de ces données dogmatiques, ne peut être que volontaire. Une telle omission volontaire signifie leur « dépassement » et, au moins en pratique, leur négation.”

III) Concernant les finalités de la Messe :
1. Le nouvel Ordo Missae fait disparaître la finalité ultime et essentielle, à savoir : le sacrifice de louange à la Très Sainte Trinité.
2. La finalité prochaine de la Messe, qui consiste en ce qu’elle est un sacrifice propitiatoire, est également occultée derrière la sanctification des assistants.
3. La finalité immanente de la Messe, qui consiste en ce qu’elle est primordialement un sacrifice, est obscurcie derrière un aspect de « banquet de bienfaisance ».

Le Cardinal Bacci

IV) Concernant l’essence du Sacrifice, le mystère de la Croix est « dissimulé », par résultat de plusieurs dispositifs :
1. Le sens donné à la « prière eucharistique », vague.
2. La « répudiation implicite du dogme de la Présence réelle » dans les textes et dans les gestes.
3. La table replace l’autel, et le tabernacle est mis de côté.
4. Les paroles de Consécration, de mode intimatif, sont remplacées par le « récit de l’institution » donc de mode narratif.

V) Concernant l’accomplissement du Sacrifice :
1. Le rôle des fidèles est présenté comme autonome ; le « caractère communautaire » « revient constamment comme une obsession ».
2. Le prêtre « n’est plus le ministre consacré célébrant in persona Christi. »
3. Le nouvel Ordo Missae porte atteinte au mystère de l’Église et de la communion des saints.

VI) « Le nouveau rite se présente comme pluraliste et expérimental, et comme lié au temps et au lieu. […] on ne voit plus en quoi pourra consister désormais l’unité de foi qui lui est intimement liée ».

“Il est évident que le nouvel ORDO MISSAE renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a définie comme étant de foi divine et catholique.”

VII) Le nouvel Ordo Missae est censé se rapprocher des liturgies orientales,

« mais il semble bien que l’on a voulu éliminer tout ce qui, dans la liturgie romaine, était le plus proche de la liturgie orientale… »

VIII) Le missel romain de saint Pie V se voulait un instrument d’unité catholique, et un rempart contre les erreurs. Ces raisons, qu’on prétend ne plus exister, sont au contraire plus réelles et plus pressantes que jamais.

IV- Actualité de cet Examen

Toutes ces raisons motivaient la démarche des Cardinaux, qui espéraient ainsi obtenir, avant même sa mise en vigueur, la suppression de ce nouveau rite, comme le laisse entendre leur lettre:

« Toujours les sujets, pour le bien desquels est faite la loi, ont eu le droit et plus que le droit, le devoir, si la loi se révèle tout au contraire nocive, de demander au législateur, avec une confiance filiale, son abrogation. »

Après cinquante ans, ces accusations ont gardé toute leur actualité, et le temps n’a fait que confirmé par les faits leur réalité. Ce nouveau rite contraire à la doctrine définie de l’Eglise, et qui ne peut donc pas être d’Eglise, doit définitivement quitter les églises.

Le R.P. Guérard des Lauriers O.P.

V- Pour compléter…